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 you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby

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MessageSujet: you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby   you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby EmptyMer 9 Déc - 2:34

There are sirens screaming out behind my eyes. I hide 'em away 'cause I'm ashamed or maybe I'm just too shy to just speak up or I'm afraid of what you might say
© kodaline, war // tumblr

Certaines journées avaient tendance à s'éterniser, s'étirant en longueur malgré toute l'envie qu'on pouvait avoir de finalement voir les aiguilles avancer un peu plus vite. Le phénomène n'était probablement pas nouveau mais après l'urgence constante de l'Afghanistan et les rares moments de quiétude qu'il avait appris à chérir, Al avait du mal à gérer cette notion du temps, si sécurisante. Si ennuyeuse aussi. Lorsqu'il ne parvenait pas à s'arranger pour travailler de nuit, il s'engouffrait au milieu du trafic à sept heures pétantes, comme bon nombre de ses concitoyens, si peu pressés d'arriver au travail. C'était d'une banalité effarante, presque irréelle après ce qu'il avait vu là-bas et il s'était surpris plus d'une fois à sursauter derrière le volant, arrêté face au feu vert, trop occupé à observer la vie s'écouler tranquillement sous ses yeux pour faire avancer sa Chevrolet. L'adaptation était difficile, on l'avait prévenu, mais tous les conseils du monde n'auraient pu le préparer réellement à la pratique. Les premiers jours avaient été compliqué, il fallait s'habituer de nouveau au brouhaha, tout à fait inoffensif ou presque, à la foule dépourvue d'instinct meurtrier, à l'agitation frivole. Il avait fini par s'y faire, il avait chopé le truc, comme disaient ses enfants. Il suffisait de prétendre que tout était normal, que rien n'était particulièrement surprenant, comme s'il n'avait pas passé deux années de sa vie à craindre les balles et les bombes dans un hôpital de fortune souvent protégé par une simple toile de tente. C'était facile, le mensonge, lorsqu'on était seul.

Et, vraiment, il ne l'était pas. Pas tout à fait, du moins. Ses sœurs étaient là, à l'affût du moindre signe de faiblesse, prêtes à bondir, prêtes à tout entendre avaient-elles dit. Elles ne savaient pas ce qu'elles avançaient là. Elles n'étaient pas prêtes à écouter ce genre d'histoires, tout comme il n'était pas prêt à les raconter. Consulter un professionnel ne l'intéressait guère, quant à ses amis, well. Ils s'étaient fait rares après le divorce et il était plutôt difficile d'entretenir la moindre relation depuis le Moyen-Orient. Au fond, les seules personnes réellement capables de comprendre étaient celles avec qui il avait traversé cette expérience. En préparant son retour en Californie, Al s'était distancé de toute l'équipe, civils et militaires confondus, proches et moins proches. Il avait eu besoin d'amorcer cette séparation avant même qu'elle ait eu lieu. Le choc aurait été sans doute bien plus rude s'il avait continué de se bercer de l'illusion qu'il les reverrait toutes et tous, sourire aux lèvres malgré la fatigue, l’œil vif et la voix claire. Tous, en vie. Il était monté dans un avion sans se retourner, focalisé sur San Francisco et toute la solitude qui l'enveloppait, sans promettre de revenir un jour ni même de garder le contact. En vérité, la perspective de les retrouver, ailleurs, en sécurité, l'avait terrifié. Qu'auraient-ils bien pu se raconter, une fois rentrés au pays ? Et si les seules choses qui les unissaient restaient la misère et le sang, la douleur et les combats ? Et si une fois rentrés, ils s'apercevaient qu'il n'était pas vraiment un type fiable ? Après tout, il avait rejoint cette organisation par pur égoïsme, pour fuir la crise engendrée par son divorce. Remplacer un inconnu par un autre.

Autant de questions auxquelles il avait soigneusement évité, sitôt la porte de son appartement passé. Ne pas s'arrêter sur le passé était, disait-on, le meilleur moyen d'avancer. L'Afghanistan était un chapitre clos, l'un de ceux qu'il ne désirait pas relire. Il ne lui avait pas fallu longtemps avant de comprendre que la vie ne l'entendait pas de cette oreille et cette prise de conscience, c'était Gaby Weaver qui l'incarnait. Il avait d'abord cru nager en pleine hallucination en l'apercevant la première fois, à l'hôpital. Le doute n'avait même pas caressé son esprit, c'était bien elle qu'il avait vu, depuis le fond d'un couloir, passant d'un service à un autre. Il avait tenté de se souvenir des quelques détails personnels qu'ils avaient pu échangé mais travailler en zone de guerre n'offrait pas spécialement l'occasion de papoter tranquillement. Il se souvenait avoir surtout parlé de sa famille, de ses enfants. Pas de San Francisco, jamais ou elle l'aurait probablement mentionné elle aussi. Au fond, ils n'avaient pas eu besoin de ça pour apprendre à se connaître. La confiance était venue naturellement, presque trop, pressée par le temps qui leur avait parfois cruellement manqué. Elle comptait parmi ces gens pour qui ses adieux avaient été trop brefs, légèrement amers. Mais elle était là, dans le même état, dans la même ville, le même hôpital et l'information avait été trop lourde à encaisser pour qu'il n'ait pas envie de fuir à nouveau. Après tout, à en croire sa femme, c'était ce qu'il faisait de mieux.

Al n'était pas vraiment fier de l'avoir évitée. A son âge, pareil comportement relevait de la couardise, plus de la puérilité. Il était trop vieux pour ce genre de conneries mais il n'avait pas réussi à trouver le courage de lui faire face, préférant raser les murs lorsque c'était nécessaire. Ridicule, vraiment. C'était la crainte de décevoir autant que le refus de devoir finalement admettre qu'il portait encore – et pour toujours, sans doute – les marques de ces deux années terribles. Il avait connu la joie là-bas, bien sûr, et seuls les souvenirs des sourires échangés, rassurés, après un succès l'aidaient à garder toute l'expérience bien enfouie dans un coin de sa tête. Elle avait été de toutes ces réussites-là ou presque et il s'était plus d'une fois réjoui d'avoir croisé son chemin mais ça n'enlevait rien à la peur qui lui tordait le ventre à la simple idée de lui parler, ici, maintenant. Il y avait songé, plus d'une fois d'ailleurs, repoussant toujours sous des prétextes plus ou moins douteux, jusqu'à ne plus pouvoir trouver d'excuses.

Il avait suivi l'un de ses collègues pour un déjeuner un peu tardif, ce qu'il regretterait certainement plus tard en repensant à cette fameuse journée qui avait pourtant commencé comme les autres. Normale, effrayante de longueur. Quelques feux rouges, un coup de klaxon agacé, des internes encore trop mous, des patients maladroits. Rien qui ne laissait présager qu'il finirait par trouver un semblant de courage en la voyant installée, dans cette cafétéria un peu trop bruyante.

Son plateau devant lui, Al s'immobilisa, interdit. Retourner aux urgences était exclu ; on poserait des questions et il n'avait aucune réponse sensée à fournir. La grande majorité de ses collaborateurs ignorait tout de son passé, principalement parce qu'ils ne s'y intéressaient pas. Son divorce était un fait notoire, parfois sujet à plaisanterie et suffisamment important pour qu'on ne cherche pas plus loin. C'était parfait, exactement ce dont Al avait besoin. Alors non, il ne partirait pas cette fois. Il ne pouvait pas. Et quoi, alors ? Pouvait-il vraiment aller s'asseoir en feignant de ne pas la voir ? « Excuse-moi » lança-t-il à son collègue, lequel ne sembla pas se formaliser le moins du monde sur le soudain abandon – parfait. La gorge serrée et le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, Al traversa les quelques mètres qui le séparaient de Gaby. Ils avaient passé des mois à vivre côte à côte, supportant tant bien que mal des conditions de vie et de travail pénibles, et jamais il n'avait eu l'impression de côtoyer une étrangère. Jusqu'à maintenant. Il se racla la gorge, autant pour attirer son attention que pour reculer, encore un peu, rien qu'un tout petit peu, le moment de lui parler enfin. « Mh, cette chaise est prise ? » Question idiote, même pas accompagnée d'un sourire. Quelle pitié. On avait vu mieux, comme retrouvailles. Mais que lui dire, alors qu'il avait tout son possible pour éviter cette situation ? Attendre, l'ignorer en espérant presque qu'elle disparaisse n'avait absolument pas été bénéfique, au contraire. Il aurait dû l'aborder, cette première fois, quelques semaines plus tôt, lorsqu'il avait réalisé qu'ils travaillaient pour le même hôpital. Mais non, il avait fallu qu'il joue au plus con, incarnation même du pauvre type faible et pleutre. Quelle honte.


Dernière édition par Al Simmons le Mar 15 Déc - 18:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby   you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby EmptyLun 14 Déc - 18:27

Tout doucement elle avance dans la cafétéria, en levant la tête pour trouver une place de libre. Elle constate avec fierté le travail accompli au cours de la matinée pour décorer l'endroit aux couleurs de Noël. La salle immense est joliment parsemée de guirlandes et autres décorations sur le thème. Gaby, elle s'émerveille comme une gamine devant ce qui brille, sans oublier de s'auto complimenter pour avoir eu quelques idées de génie lorsqu'il a fallu s'organiser pour rendre l'endroit plus beau. Plus joyeux, plus festif. Elle s'est imposée au milieu du groupe d'animateurs pour n'en faire qu'à sa tête, pour parler des costumes que tous devraient porter le soir de Noël. Et le résultat est merveilleux. Elle se trouve particulièrement géniale, ne se prive pas pour le faire savoir à tout le monde et pose son plateau à la dernière place de libre à la table des animateurs. Ils discutent, échangent leur programme pour le réveillon ou ce qu'ils aimeraient tous faire si ils étaient plus riches. Gaby, elle réfléchit à la longue liste de Noël qui l'attend, placardée sur le réfrigérateur, alors qu'elle stocke dans un coin de sa tête, des nouvelles idées de cadeaux à offrir. Et puis, après de longues minutes, elle plonge sa cuillère dans son yaourt à la vanille avant d'accorder un signe de la main à ses amis qui s'éloignent. Elle reprendra son travail plus tard, à un autre étage, dans un autre service. Désormais seule, elle a tout le loisir de caler ses écouteurs à ses oreilles et d'enclencher la musique sur son téléphone. La musique, c'est encore le seul moyen qu'elle a trouvé pour échapper aux voix et aux souvenirs qui font écho dans sa tête. Ce n'est pas qu'elle n'a pas eu l'occasion de passer à autre chose, depuis son retour de la guerre, c'est qu'elle n'y arrive pas, Gaby. Alors écouter de la musique, ça aide, un peu, pas totalement. En un instant, son yaourt est vidé et le second est déjà ouvert. Elle jette un coup d'œil vers les autres tables jusqu'à être interrompue par un toussotement discret. Pour se faire remarquer. Pour la bousculer pendant sa pause. La musique ne couvre pas tout. Une silhouette s'est postée devant sa table et celle-ci réclame son attention. Elle a presque envie de lui faire remarquer que l'heure du repas est sacrée mais son regard s'attarde sur ce visage, sur cette présence qu'elle avait côtoyé durant de longs mois. Pendant une seconde, Gaby ose se demander si c'est une blague et regarde à droite et à gauche après qu'on lui ait parlé d'une chaise. Elle reconnaît sans mal son ancien compagnon de travail. Sa silhouette, ses traits creusés dans le sable et la poussière d'un autre pays. Le décor de la cafétéria ne correspond pas à ses souvenirs. Alejandro. Al, parce que tout le monde l'appelait toujours Al. Elle n'aurait jamais cru qu'une hallucination puisse sembler si vraie. Si belle. Même si elle fait de son mieux pour chasser cette vision, pour détourner le regard, Gaby ne sait pas quoi dire, ni quoi faire. Elle secoue la tête, retire ses écouteurs. « Tu peux t'assoir, j'attends personne. » Tous ses copains ont repris le boulot, dira-t-elle. Et elle aurait peut-être dû les suivre, finalement. Gaby, elle avait plusieurs fois pensé à le rechercher mais se replonger dans cette partie de sa vie ne l'aiderait pas à avancer. C'est comme rentrer en contact avec un fantôme, une autre vie qu'elle pensait ne jamais avoir à revivre. Gaby le dévisage sans un mot, sans un bruit. C'est à peine si elle respire. Sa poitrine se soulève tout doucement. Mais son monde entier gravite désormais autour de Al. Son cœur s'alourdit par le sable qui s'infiltrait partout, quand ils étaient là-bas. Ils n'ont jamais eu le loisir de papoter de longues heures, de comparer leur vie ou de partager de beaux souvenirs. Ça lui paraît inapproprié d'être assise à une jolie table avec Al et un bon yaourt. Elle le fixe toujours depuis de longues minutes, ça en devient presque gênant et déplacé. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Ici, en Californie, à San Francisco, au Menphis Wave, à cette table. Elle rigole, un peu. Son bras passe par-dessus la table pour toucher son épaule. Comme si elle s'assurait de sa réalité. « Avoue, tu m'as traqué pour me retrouver parce que je te manquais. » Jouer la carte de l'humour pour détendre l'atmosphère. Son égo aime se dire que oui, ça pourrait être une possibilité. Mais la vérité est telle que Gaby sait que leur rencontre n'est que le fruit du hasard. « Tout va bien ? Ça fait longtemps. » Sept longs mois. Elle a compté les jours mais c'est un secret. Elle cherche une raison pour justifier sa présence dans cet endroit et cette blouse qu'il a sur le dos. Elle parle, sourit, sans en avoir conscience. Tout ce à quoi elle pense, c'est à cette vie dans la guerre, à cette connexion presque intime qu'ils avaient partagé. Elle ne sait pas si elle doit être choquée ou heureuse de le retrouver. Lui et cette détresse dans le regard. Sa mémoire lui renvoie quelques autres souvenirs, des confidences qu'il avait pu lui faire, lorsque le temps, là-bas, était plus calme. « Laisse-moi deviner, tu viens voir tes filles pour les vacances de Noël ? » Il ne lui a jamais dit vivre ici et ça n'explique pas sa présence dans cet hôpital, mais peu importe.
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MessageSujet: Re: you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby   you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby EmptyMar 15 Déc - 20:39

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© kodaline, war // tumblr

Il avait l'impression d'être un petit garçon à nouveau, s'apprêtant à demander pardon à l'une de ses soeurs après avoir balancé sa poupée ou son bouquin par la fenêtre. Plein de remords, de regrets aussi mais certainement pas prêt à présenter des excuses et pourtant si près de le faire. Pas forcé par qui que ce soit, seulement poussé par le regard déçu de son père, par la clémence de sa mère. Ici, il ne s'agissait pas de Patsy ou d'une autre de ses frangines, et ses parents n'étaient pas là. Rien ne l'obligeait à se tenir là, rien à part la complicité un jour partagée, le respect qu'elle lui avait offert sans vraiment le connaître. Les circonstances les avaient poussé à se faire confiance et il ne regrettait rien, sauf peut-être de n'avoir pas su trouver le temps d'en savoir plus, d'en apprendre plus à son sujet. Qui était-elle vraiment, où avait-elle grandi, qui l'attendait au pays, autant de réponses qu'il n'avait pas pu s'offrir, faute de temps, faute d'y avoir pensé aussi. La banalité était un luxe, là-bas, et la futilité était rare. Il se souvenait de quelques confessions, suffisamment rares pour ne pas être oubliées, autour d'un mauvais café tiède à des heures ridicules. Des moments d'accalmie, de quiétude, trop peu nombreux pour qu'ils apprennent réellement à connaître ceux qu'ils côtoyaient. Pour autant qu'il savait, Gaby aurait très bien pu être jeune mariée, divorcée récidiviste, veuve éplorée, mère de quatre enfants, sœur aînée d'une fratrie nombreuse, fille unique. Il ignorait qui elle était mais à l'époque, il aurait mis sa vie entre ses mains sans hésiter une seule seconde. Parce qu'il y avait cette confiance et c'était tout ce qu'ils avaient, là-bas.

Il se sentait dépouillé à présent, ô combien mal à l'aise. La confiance avait disparu, l'éventualité que son visage soit le dernier qu'il voit avant de mourir aussi. Ils étaient en sécurité, ils étaient loin, ils étaient à la maison. Le terrain lui était connu mais elle ne collait pas avec le décor, elle détonnait dans le paysage. Al prit place face à elle malgré tout, par curiosité d'abord, parce que son cœur battait la chamade jusque dans sa gorge. Parce qu'il n'était pas d'une nature très courageuse, plutôt égoïste et qu'il avait besoin de savoir, au fond. Savoir si elle vivait la même chose que lui, savoir si ses nuits étaient parfois animées par des cauchemars, inondées par les cris, noyées sous la poussière. Savoir et en même temps, il lui semblait impossible de poser ces questions-là. Impossible, déplacé, trop difficile. Al ne voulait pas rouvrir ce chapitre de leurs vies. Sur ses lèvres se jouait un sourire gêné, presque forcé. Ses grands yeux bleus l'observaient, lourds et curieux, et il avait du mal à rassembler le peu d'idées qui lui restait sous pareil regard. Respirer d'abord, réfléchir ensuite. Il prit une profonde inspiration, reportant son attention sur son plateau. Repas un peu frugal, il aurait certainement besoin d'un fruit plus tard, d'une barre de céréales, sans aucun doute accompagnés d'un café. Toujours avec un café. Tout semblait avoir plus de goût avec un café et il regrettait amèrement de ne pas en avoir pris un ou cinq pour faire glisser cette conversation – et sa culpabilité, surtout – avec plus de facilité. Gaby ne semblait pas avoir conscience de sa gêne ou peut-être ressentait-elle la même chose, il n'aurait su le dire. Son ton léger amena un sourire sur le visage d'Al, sourire que la main qu'elle posa sur son épaule effaça pour une seconde. Peut-être deux. Le temps de comprendre que c'était définitivement bien la réalité. Que ce n'était pas du tout un mirage qu'il avait fui dans les couloirs de l'hôpital. « Ça va, oui. Ça va » répondit-il, la voix un peu étranglée. Répéter pour se convaincre davantage lui que la convaincre, elle. Il baissa la tête un instant, tâchant de combattre les images qui lui traversaient l'esprit, qui lui hurlaient combien c'était étrange de se retrouver assis là, face à Gaby, une fourchette à la main et une salade sous le nez. Combien c'était étrange d'être au calme avec elle, d'être si propre aussi. Lorsqu'il releva la tête, tout sourire avait disparu. Inutile de feindre. Inutile de fuir plus longtemps. Évidemment qu'elle se posait des questions, elle avait tout à fait le droit. Il aurait aimé comprendre aussi, à sa place, et il avait honte de la lourdeur qui engourdissait sa langue à l'idée de dire la vérité. « N-non, non, mes enfants sont à New York, avec mon ex-femme. Ils viendront à Noël, certainement » bredouilla-t-il, se forçant à nouveau à sourire. Il appréhendait les fêtes avec une telle force que c'en était ridicule. Ce serait son premier Noël en Californie depuis un bon moment et il n'était pas certain de pouvoir se réjouir d'être en famille, à l'abri des horreurs du monde, lorsque d'autres continuaient de risquer leur vie et de tomber. Il le fallait bien, pourtant. « Je vis ici. A San Francisco, précisa-t-il sans grande utilité, je suis né ici en fait. J'ai fait mes études ici, je me suis marié ici » Il sourit un peu plus franchement cette fois, évitant son regard. Il semblait si ridicule, à présent, qu'ils n'aient même jamais pris le temps d'échanger ce genre d'informations mais c'était un autre monde. « Ceci dit, je ne travaillais pas ici avant de- » Avant de partir, avant de te rencontrer, avant de voir tout ce qu'on a vu, avant tout ça. « Avant mon divorce » acheva-t-il, plus couard que jamais. Depuis son retour, ses sœurs n'avaient fait que lui répéter qu'il devait parler de son expérience pour se débarrasser du traumatisme mais pour Al, le silence avait toujours paru plus confortable. Il était presque douloureux aujourd'hui, si pesant sur sa poitrine. « J'ai commencé ici il y a six mois, presque en descendant d'avion » Ce qui avait pour objectif d'être une vague plaisanterie sonnait si pathétiquement qu'il se serait peut-être giflé s'il avait été seul. Autant dire tout de suite qu'il avait tout fait pour éviter de se laisser le temps de réfléchir, de digérer tout ce qu'il avait vu, entendu. Tout ce qu'il avait fait et tout ce qu'il n'avait pas pu faire. Tout ce qui leur était arrivé. « Je t'ai vue tu sais, reprit-il après un instant de silence et, vraiment, il n'aurait su expliquer d'où venait cet élan de sincérité. Ici je veux dire. Plusieurs fois et, autant être honnête, j'ai dû faire plus d'un détour pour t'éviter. C'est dégueulasse, hein ? Je savais pas, j'étais pas sûr de savoir quoi dire. Je sais toujours pas d'ailleurs » ajouta-t-il, faible sourire aux lèvres et yeux baissés, encore. Croiser son regard après ces mots-là semblait trop difficile et, damn, ça n'avait aucun sens après ce qu'ils avaient traversé ensemble.
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MessageSujet: Re: you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby   you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby EmptyMar 15 Déc - 23:41

Là-bas, en Afghanistan, elle a oublié comment un siège pouvait être agréable. Confortable. Un siège dans une voiture, une chaise dans une cantine ou un canapé dans un salon. Un objet banal, du quotidien. Pendant plusieurs années, elle a vécu sous cette tente épaisse aux couleurs verte et marron sans jolie chaise, sans beaux vêtements, avec un confort précaire dont personne ne se plaignait. Elle trimballait du sable dans ses baskets du matin au soir, le soleil tapait plus fort que dans cette ville et la confiance se créait aussi simplement que d'ouvrir une boîte de céréales. Gaby, elle avait eu confiance en Al. Sans se forcer, sans rien connaître de lui, à un tel point que l'avoir à ses côtés était devenu un besoin plus qu'une nécessité. Elle ne saurait dire comment ils se sont rencontrés. Personne ne les avait présentés l'un à l'autre. Et personne ne lui avait dit de le rejoindre. Ils ont seulement dû s'entraider, survivre ensemble. L'un devenant le partenaire de l'autre dans cette lutte pour sauver le plus de vie. Elle se souvient ne pas avoir su son prénom le premier jour. Ça ne semblait pas nécessaire, à ce moment-là, de savoir qu'il s'appelait Al. L'échange de leurs identité c'était fait le troisième jour, après qu'ils se soient échangé des procédures, des techniques pour sauver le monde et les blessés qu'on leur amenait sous la tente qui servait d'infirmerie. Ils avaient échangé mille secrets sur la médecine pour guérir ceux tombés sur le terrain. Il suffisait d'un simple regard pour qu'ils se comprennent et elle aurait posé sa vie dans ses mains sales sans même prendre le temps de connaître son adresse, son numéro de téléphone ou si il préférait un ou deux sucres dans son café. Parce que, là-bas, dans la guerre, ça ne les aurait pas aidé à survivre. Alors, le revoir ici, c'est bizarre. Parler de la pluie, du repas proposé par la cafétéria ou du nouveau film sorti au cinéma, c'est bizarre. Mais il va bien, Al. Ça va, qu'il dit. Elle voudrait connaître son secret, le lui dérober pour le garder jalousement dans un coin de sa chambre. Elle voudrait que les voix disparaissent, que les visions s'arrêtent pour la laisser rêver. Ça va. Tout va bien. Elle aimerait savoir si, lui aussi, il les entend. Ces murmures, ces petites voix qui s'infiltrent partout dans sa tête pour devenir aussi présents que ses propres pensées. Est-ce qu'il trouve son lit trop grand, trop chaud et trop confortable ? Non, Al, il va bien. Ça va. Il vit ici, il a grandi ici, il a fait ses études là et s'est marié ensuite. Elle sourit en l'écoutant évoquer une vie dont il n'aurait jamais pris le temps de parler si ils avaient encore été là-bas. Sous la tente. Parler de ses enfants est une chose, expliquer où il avait étudié en est une autre. « J'ai toujours vécu ici. Et mon frère travaille aussi dans l'hôpital. » Elle ajoute, en riant. Pour faire la conversation. Elle sait que c'est impossible de revenir normale de ce qu'ils ont vécu mais elle essaie, elle réapprend à vivre. Elle essaie mais fait semblant. « Attends, où ? Tu m'as vu ? » Elle répète d'une petite voix. Ouais, c'est dégueulasse. Ça, elle ne le répète pas. Il y a un sentiment d'abandon qui l'envahi alors qu'une voix lui souffle ne pas être digne de confiance, ni digne de mériter l'amitié de Al. Une autre voix lui rappelle comment c'était si simple entre eux, avant. Avant qu'ils prennent l'avion du retour, avant qu'ils ne se quittent et ne redeviennent des étrangers, avant qu'elle ne dévore son yaourt à la vanille. Il est là depuis six mois. 182 jours. Après s'être côtoyé pendant des mois, elle est déçue d'avoir été ainsi rejetée. « Ce n'est pas grave, tu as tes raisons. » Elle sent son cœur l'abandonner, au bonheur d'une petite voix dans sa tête qui ricane. Un souvenir lui rappelle leur complicité. C'est dégueulasse. Point final. « Pourquoi venir me parler maintenant ? » Là-bas, il suffisait qu'elle voit son visage de l'autre côté de la tente pour que son monde lui paraisse entier, plus vivant, plus beau. Elle s'autorisait à venir le réveiller le matin pour l'entrainer à faire l'inventaire des stocks et elle buvait ses paroles lorsqu'il lui confiait une nouvelle méthode pour soigner un patient. Ici, ils sont installés à une table, le bruit de la cafétéria ressemble à une jolie mélodie et tout est différent. Sauf eux, Gaby est persuadée qu'il ressent la même chose, cette détresse, cette peine, cette maladie qui glisse pour transformer leurs nuits en cauchemars. « Je suis étonnée de ne pas t'avoir vu avant. Tu devais être trop bien caché, c'est dommage. » Nouveau sourire et elle agite la cuillère dans le pot de yaourt. Elle aimait mieux l'idée qu'il l'ait traqué parce que sa vie sans elle n'avait plus de sens mais Al fait le choix de ne pas rebondir sur sa tentative d'humour. « Tu travailles dans quel service ? Tu étais où avant ? » Avant, comme si ce simple mot pouvait englober toute une période de leur vie. Elle a presque envie de lui proposer qu'ils s'éloignent de la cafétéria pour trouver un endroit qui leur ressemble. Mais Al va bien. Pas Gaby. Gaby qui voudrait s'allonger au milieu de la route pour retrouver un sol froid et dur, le bruit des moteurs des voitures qui pourraient, eux, la rassurer. Être installée confortablement sur une chaise, ça change la vie. Ça change tout. « Mais ne recommence plus à te cacher, je vais me vexer. » A vrai dire, Gaby est déjà vexée. « Tes enfants ont dû beaucoup grandir. Je suis désolée qu'ils habitent si loin. » Et elle est sincère, brûlante d'amitié pour lui et d'un soutien qu'elle avait cru perdu, paumé dans le sable d'Afghanistan. Mais son sourire est si fade, à peine chaleureux alors qu'elle a toujours transpiré d'une joie de vie hors norme. « On est pas obligés de parler, si tu n'as pas envie. » Après tout, là-bas, parler ne leur paraissait pas toujours nécessaire.
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MessageSujet: Re: you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby   you can close your eyes to reality but not to memories w/ gaby EmptySam 19 Déc - 4:20

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© kodaline, war // tumblr

Il y avait quelque chose de doux-amer dans ces retrouvailles, comme un jour longuement attendu et craint qui n'était pas à la hauteur des espérances qu'il avait inspiré. Al n'était pas certain d'être heureux d'être venu se planter là, devant un visage qu'il revoyait parfois dans ses cauchemars. Il n'y pensait pas, jamais. C'était stupide de ressasser, contre-productif aussi. Il voulait avancer, laisser derrière lui ce qu'il avait – ce qui impliquait de la laisser, elle, aussi mais elle était là. Elle arpentait les couloirs de cet hôpital tout comme lui et tôt ou tard, ils auraient fini par se croiser. Il ne pouvait pas se cacher éternellement, il ne l'avait jamais voulu mais, autant l'avouer, ça aurait été beaucoup plus simple si Gaby n'avait pas travaillé au Menphis Wave. San Francisco était une grande ville, ils auraient pu continuer à vivre là sans que leurs chemins ne se retrouvent mais la vie en avait décidé autrement. C'était drôle, quand on y pensait, drôle et un peu triste aussi. Al était parti sans dire au revoir, sans promettre de revenir ni d'appeler lorsqu'on lui avait tendu un numéro de téléphone, une adresse. Il était parti en souriant, persuadé qu'il finirait par laisser ce chapitre de sa vie derrière lui. Mais non, évidemment que non. Rien n'était jamais aussi simple, même en le désirant très fort. Et il ne voulait rien de plus sinon retrouver une vie banale ou, en tout cas, c'est ce qu'il s'appliquait à penser. Seulement la raison même de sa présence ici, dans cet hôpital, entrait en contradiction avec ses bonnes résolutions. L'action lui manquait, le tumulte des cœurs aussi, cette sensation enivrante d'être utile, vraiment utile. Il n'avait pas connu ça à l'époque où il travaillait en traumatologie, c'était différent et il avait honte de cette envie. Revoir Gaby, savoir qu'elle était là, susceptible de l'entendre mener ses internes comme il avait mené leur hôpital de fortune le terrifiait parce qu'elle seule pouvait comprendre ce qui lui arrivait de voir dans les moments les plus intenses. Il s'appliquait chaque jour à se rappeler qu'il n'était plus en Afghanistan, qu'il était de retour en Californie. Que tout allait bien, qu'il n'entendrait plus les balles siffler, plus jamais.

Alors c'était étrange de la revoir, étrange et amer. Amer et terrifiant. Étaient-ils vraiment capable de se parler sans se presser, sans craindre d'être interrompu comme ça avait été si souvent le cas là-bas ? Al n'avait jamais été très doué pour faire la conversation à qui que ce soit, même à ses proches. Il savait écouter mais les mots lui manquaient, souvent. Cette fois n'échappait pas à la règle et il se contenta de hocher la tête, un sourire figé aux lèvres. Il n'avait pas cette facilité qu'elle semblait posséder, plus habitué aux maladresses et remarques déplacées. Comme celle-ci, précisément. God, ça semblait vaguement flippant d'avouer comme ça qu'il l'avait vue, à plusieurs reprises, sans jamais l'aborder. N'importe qui d'autre aurait pu s'alarmer, le traiter de pervers peut-être, de détraqué. Il l'était sans doute un peu, détraqué. Cassé par ce qu'il avait vu, par ceux qu'il n'avait pas pu sauver. Gaby semblait peinée plus qu'inquiète et il se maudit mentalement d'une telle confession. Quel imbécile. Feindre la surprise aurait été plus simple, moins blessant aussi certainement. Il était devenu expert dans l'art de faire semblant mais avec elle, quelque chose lui disait qu'il n'aurait pas su prétendre bien longtemps. Il baissa un peu plus la tête, sentant la honte lui réchauffer les joues. Ses explications étaient si ridicules à présent mais au lieu de le faire remarquer, elle l'excusa presque, offrant un pardon qu'il n'était pas sûr de mériter. « Je ne sais pas, répondit-il, face à une question qu'il s'était lui-même posé à maintes reprises. J'imagine que j'en ai eu assez de raser les murs. Et pour être tout à fait honnête, je n'avais pas envie de t'apercevoir en coup de vent sans pouvoir dire quoi que ce soit » Le problème, c'était qu'il ne savait pas quoi dire à présent, qu'il ignorait comment rattraper six mois d'une vie banale et sans intérêt. Il haussa les épaules, osant cette fois relever la tête. « Trop bien caché, certainement » Un sourire éclaira son visage, bref, involontaire. Comme si la gêne s'était évanouie, l'espace d'une seconde mais sitôt qu'il s'en aperçut, elle s'imposa à nouveau, écrasante de sens dans un simple mot. Avant. Avant tout ce qu'ils avaient vécu, avant l'horreur et le désarroi. Avant leur rencontre sous une tente battue par les vents. « Je suis aux urgences. C'est assez différent de la traumatologie mais je ne me voyais pas retourner là-bas. J'aurais pu prendre la direction du service, au San Francisco General Hospital mais j'ai préféré partir » Fuir, surtout. Fuir son divorce et fuir les sentiments qu'il éprouvait pour une femme qui n'était pas la sienne. « Et en rentrant, j'ai eu besoin de repartir de zéro » conclut-il, se sentant ô combien stupide. Il n'était pas vraiment reparti de zéro avec ce boulot, loin de là. Il se tut, espérant qu'elle lirait la promesse dans ses yeux. Non, il ne se cacherait plus, il avait fini de fuir. Il était là, ce nouveau départ. L'honnêteté, c'est par là qu'il devait commencer.

Al se figea à la mention de ses enfants. Diana ne s'était pas privé de lui expliquer quel mauvais père il était, le jour où elle avait annoncé son intention de divorcer. Toutes les lettres et tous les coups de fil du monde ne rattraperaient ça, il en était conscient. Il s'en rendait chaque jour, chaque heure qu'il passait dans cet appartement trop grand, trop vide. Eleonor, Jake et Patsy lui avaient peut-être pardonné, mais il était loin de s'accorder le même traitement. Il réalisa qu'il avait gardé le silence un peu trop longtemps, après un instant, et s'empourpra un peu plus. « Non, pardon, je » Les mots, encore, foutus mots qui lui faisaient défaut. Il savait les trouver pourtant, lorsqu'il s'agissait de déverser sa colère ou sa frustration sur le premier interne qui passait. « C'est juste, c'est difficile. Je ne suis pas vraiment le père idéal » soupira-t-il. L'euphémisme du siècle, vraiment. « Je les ai vu trois fois depuis que je suis rentré et il m'arrive parfois de penser que je pourrais croiser dans la rue sans les reconnaître. Ma fille aînée, Len, c'était une petite fille quand je suis parti. Elle passait ses dimanches à regarder les dessins animés et elle me demandait encore de vérifier qu'il n'y avait rien sous son lit quand il m'arrivait de la coucher. Elle se maquille maintenant, tu imagines ? » Il laissa échapper un éclat de rire, léger. Le premier depuis qu'il s'était assis là, face à Gaby – face à son passé. « Elle me coûte des sommes astronomiques en téléphone et je m'attends d'un jour à l'autre à ce qu'elle m'annonce qu'elle est tombée amoureuse d'un petit con boutonneux » Qu'il ne pourrait d'ailleurs même pas malmener un peu, puisqu'il était resté sur la côte Ouest. Il était ici et pendant un instant, il avait oublié tout ce qui l'avait retenu d'aller à la rencontre de Gaby. « Désolé, j'ai l'air d'un vieux con » Ou d'un paternel vaguement paranoïaque qui venait tout juste de réaliser que ses petits finiraient par grandir un jour. « Tu n'en as jamais parlé, tu as des enfants ? » Quelqu'un pour qui prétendre aller bien, comme lui le faisait chaque fois que sa famille débarquait pour le week-end. Quelqu'un pour qui sourire et rire, comme avant. Mais ça, c'était encore trop dur à demander, trop personnel aussi.
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