You can run on for a long time ♦ Colin

✃ It's as if I could not breathe without you.
✃ Lorsqu’il était jeune, Colin ne ratait pas la moindre diffusion des courses de NASCAR, rêvant qu’un jour il pourrait lui-même prendre le volant d’un de ces bolides pour aller courir sur les plus grands circuits des Etats-Unis. Son père avait l’habitude de lui promettre de l’emmener voir des courses s’il avait de bons résultats à l’école, ce qui n’arrivait au final pas très souvent. ✃ Ses parents ont toujours eu le don de gaspiller l'argent en voyages en amoureux et autres futilités, souvent absents et laissant leurs enfants livrés à eux-mêmes chez leur grand-mère. C’est lui qui s’est occupé de sa cadette durant sa scolarité, l'amenant à l'école ou lui préparant à manger à midi quand leur grand-mère oubliait, ce qui arrivait régulièrement. ✃ Au départ, il souhaitait entrer au Fire Department de San Francisco. Son meilleur ami et lui s'étaient fixés pour but de devenir pompiers à défaut d'être athlètes de haut niveau. Peu sérieux à cette époque, Colin se fit recaler une première fois et seul Kyle entra au département. L'année suivante, alors que Colin était sur le point de se repasser l'examen d'entrée, Kyle fut pris dans un incendie violent, mourant dans la tourmente et laissant derrière lui une fiancée enceinte de six mois. Cela bouleversa profondément Colin qui renonça à passer les examens, devenant ambulancier à la place. ✃ A la suite de cela, il se sentit responsable de l'enfant de Kyle, étant présent à sa naissance et veillant sur lui comme un père. Aujourd'hui encore, il rend visite chaque dimanche à la petite fille et croise régulièrement sa mère dans les couloirs de l'hôpital, cette dernière travaillant aussi là-bas. ✃ Depuis cet incident, Colin a développé une certaine phobie du feu ou du moins des incendies un peu trop importants. S'il surmonte cette peur aussi bien qu'il le peut lorsqu'il est en intervention, rien ne le tétaniserait plus que de devoir pénétrer dans un bâtiment en flammes. ✃ Au travail, il n’a qu’une seule et grande règle : celui qui conduit est celui qui choisit la musique. Bien évidemment, il s’arrange toujours pour être celui qui prend le volant. ✃ Il est connu pour être un véritable "porte-poisse" pour ses coéquipiers : depuis cinq ans qu'il fait ce métier, il a déjà eu sept partenaires différents. Que ce soit pour un congé maternité prolongé, une mise à pied ou un départ à la retraite, les personnes partageant une ambulance avec lui ne restent généralement pas plus de quelques mois avant de quitter momentanément ou définitivement le service. Jusqu'à présent, personne ne semble avoir échappé à cette malédiction. ✃ Il a un amour profond pour tout ce qui roule et qui va vite, à tel point qu’il investit une grande partie de son salaire dans la rénovation d’une Chevrolet Corvette C4 à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux. Il a tellement peur de l’abimer qu’il se déplace principalement à moto, laissant son bijou au garage. ✃ C’est un supporter invétéré des San Francisco Giants, se déplaçant même lorsqu’ils participent à des matchs importants ✃ Il a la descente facile et rien ne lui fera plus plaisir qu’une bonne bière après une dure journée, de préférence suivie avec un ou deux verres de whisky. ✃ Il est l’heureux propriétaire d’un berger-allemand du nom de June. Il l’a recueilli alors qu’elle n’était qu’un bébé retrouvé dans la rue par un de ses voisins et depuis, ils sont inséparables. ✃ S’il n’était pas très fort à l’école, il s’est bien vite passionné pour les langues orientales. Il parle aisément le japonais et le mandarin. Paradoxalement, il est incapable de comprendre sa voisine espagnole ! ✃ Il s’est mis à cuisiner très tôt, ses parents n’étant pas toujours là et sa sœur ne pouvant se contenter éternellement d’un plat de pâtes. Il a appris sur le tas et n’égalera certainement pas un grand chef, mais saura régaler les invités appréciant la cuisine familiale. ✃ Il ne passe pas une semaine sans se rendre à sa salle de sport, pratiquer la boxe pour se détendre. Dans sa jeunesse, il avait même failli percer dans le milieu, préférant finalement une vie plus rangée. ✃ Rien ne le détend plus que le bruit de la pluie, surtout lorsque c’est le soir et qu’il est au volant de sa bagnole, un peu de jazz à la radio et personne sur la route. ✃ Il n’a jamais voyagé en dehors des Etats-Unis, ne se déplaçant que lors d'événements sportifs. ✃ S’il vit maintenant tout seul, il appelle quasiment tous les soirs sa sœur pour prendre de ses nouvelles. De nombreuses fois il s'est dit qu'elle était la seule personne qu'il considérait comme sa famille. ✃ Il peut passer des journées entières à regarder des films, préférant presque glander toute la nuit à regarder la filmographie de Scorcese qu’à sortir en boite. D’ailleurs, il déteste aller en boite ! ✃ Il a une sainte horreur du froid, faisant toujours en sorte d'avoir le plus chaud possible en enfilant des vêtements rembourrés ou en mettant le radiateur à fond.

✃  You are my paradise, but maybe I'm your hell
Confortablement installé dans le siège du véhicule, emmitouflé dans son uniforme d’ambulancier malgré la ventilation crachant un souffle déjà bien trop chaud, Colin laissait son regard se perdre dans le vague, les yeux rivés vers l’extérieur et un coude appuyé sur la portière. Dehors le monde semblait suivre son cours, les passants se pressant pour les premiers achats de Noël pendant que les enfants qui s’amusaient dans la cour de l’école maternelle n’avaient pas conscience que leurs parents se démenaient à cet instant même pour essayer de leur avoir le dernier jouet à la mode à mettre au pied du sapin. Parmi ces têtes blondes, une  petite brune balançait en souriant à deux de ses amies, innocence et pleine de gaieté. C’était elle que le jeune homme regardait sans rien dire, sans rien penser, comme si le seul fait de l’observait depuis la place conducteur de l’ambulance suffisait à le combler et à le détendre. Même le doux air de jazz qui passait à la radio n’avait pas d’intérêt pour Colin, comme s’il était dans un autre monde à cet instant-là. Rien n’aurait pu le sortir de ses songes, ou presque. Car s’il ne faisait pas attention à la musique qui résonnait dans le véhicule, le fait que cette dernière change brutalement pour laisser place à du rap suffit à bousculer ses habitudes et à le faire réagir de la manière la plus instinctive qui soit : en frappant violemment la main de celui qui avait osé s’approcher de la console radio :

«  Je croyais te l’avoir déjà dit dix fois maintenant : le conducteur choisit la musique ! Est-ce que tu es derrière le volant ?! Je crois pas alors mange ton beignet en silence et laisse tes mains loin de la radio ! »

« Oh allez mec ! Je nous ai pris du café et des beignets et j’ai même accepté qu’on fasse un détour par l’école de la petite sans discuter alors qu’on pourrait être au chaud à la caserne ! Laisse-moi au moins choisir ce qu’on écoute ! »

Le regard noir de Colin suffit à remettre son coéquipier à sa place, ce dernier grimaçant avant de soupirer et de se laisser tomber sur le dossier de son siège. Remettant son précieux jazz, l’ambulancier prit une gorgée de café avant de sortir son téléphone et vérifier ses messages : sa sœur lui avait envoyé plusieurs sms anodins, le genre d’échanges habituels qu’ils avaient quotidiennement quand ils s’ennuyaient tous les deux au travail. Apparemment, leurs parents étaient repartis à Hawaï pour deux semaines : à ce rythme-là, ils auraient épuisé leur héritage en moins de trois ans…

« En plus je comprends vraiment pas : c’est même pas ta gamine ! Je sais c’que tu vas dire : t’es son parrain et t’as promis à son père de veiller sur elle bla bla bla… Mais mec, sa mère n’apprécie même pas que tu t’impliques quand elle est là pour te surveiller, j’pense pas que venir voir la petite pendant qu’elle est à l’école en l’espionnant de l’ambulance soit vraiment sain ! »

« Tu peux pas comprendre… »

Non, il ne pouvait pas comprendre le poids qui pesait sur lui à cet instant-là, comme chaque jour depuis que Kyle était mort. Il ne savait pas si c’était le fait de vouloir être un bon ami ou la culpabilité qui le rongeait, mais il se sentait véritablement responsable de cette petite… Peu de gens le voyaient de cet œil, à commencer par la mère de la gamine qui, même si elle ne l’empêchait pas de la voir, restait distante, méfiante… Il s’en fichait pourtant : tout ce qui comptait à ces yeux étaient les quelques minutes qu’il pouvait passer auprès de l’enfant, que ce soit en allant la voir le dimanche ou en l’épiant entre deux interventions, de l’intérieur de son ambulance.

« Ambulance 42, personne blessée, 728 Duncan Street. Répondez ! »

« Je suppose que notre pause est finie ! Ambulance 42, on est en route ! »

Colin secoua la tête avant de sourire, prenant le volant en mains avant de répondre à l’appel. Pied sur l’accélérateur, il démarra en trombes en enclenchant la sirène : le travail n’attendait pas…