i'll be there for you (roma)

Il y a des journées plus difficiles que d’autres lorsqu’on travaille dans un hôpital. Certes, chaque travail comporte son lot de difficultés mais très peu ont la vie de quelqu’un d’autre entre ses mains. Tu quittes ton service en soupirant inconsciemment. Pour toi, la pédiatrie a toujours été une évidence. Tu aimes les enfants et tu es convaincue qu’ils ont besoin de plus d’attention que les adultes. Et puis il y a ce lien indescriptible entre vous. Le genre de lien que tu n’as jamais su retrouver chez les patients adultes. De toute façon tu ne fais pas confiance au genre humain lorsqu’ils sont adultes. Alors ta spécialité avait tout de suite été la pédiatrie. Tu n’avais jamais pensé que le décès de tes patients serait beaucoup plus difficile lorsqu’ils sont enfants. Tu étais persuadée que tu arriverais à gérer, qu’un patient restait un patient, mais tu avais fait fausse route. Depuis le décès de James, tu te mutes dans une profonde dépression dès qu’un enfant ne survit pas. Pourtant, ce n’est jamais de ta faute. Les procédures sont toujours les bonnes, tes choix également… Mais tu n’arrives jamais à te pardonner. Aujourd’hui faisait partie de ces journées, celle où tu perds un enfant atteint d’un cancer et où tu as l’impression d’avoir échoué. Quand ta sœur t’avait envoyé un texto rapide « Besoin de parler », tu lui avais proposé de déjeuner avec elle. Cela te ferait du bien de passer un peu de temps ensemble. Même si vous travaillez au même endroit, vous avez rarement une minute à vous. Tu la repères assez facilement avec sa moue boudeuse, en train de te chercher parmi tes collègues. « Est-ce que tu es déjà en train de faire la tête ? » la taquines-tu alors que tu te saisis de ton plateau.

Romane n'était pas la plus sociable des résidentes, loin de là. Elle était souvent de mauvaise humeur , à se plaindre de tout et de rien, sans l'once d'un sourire. En réalité, quand il lui arrivait de sourire, cela faisait un peu flipper tout le monde. L'une des seules personnes qu'elle appréciait voir à l’hôpital était sa grande sœur, June. Et malgré ce que l'on pouvait s'imaginer, elles ne se voyaient pas tant que cela, toutes deux prises par leurs postes respectifs. Elles ne travaillaient pas du tout dans le même service et n'avaient que très rarement l'occasion d'être assignées toutes les deux sur le même patient. Néanmoins, dès qu'elles avaient une minute, elle se donnaient rendez-vous, comme pour manger ensemble. Et ce jour-là, c'est ce que fit Roma, envoyant un SOS à sa sœur. - Tu me connais, je ne suis jamais contente, avoua-t-elle avec un petit rire amusée. Roma mourait d'envie de se jeter dans les bras de June, mais elle s'abstenue. Les effusions d'amour en publique et surtout au travail, ce n'était pas du tout son genre, d'autant plus que dans la cafétéria, les internes avaient les yeux rivés sur elles. - Je suis certaine qu'ils sont en train de nous insulter, là. Roma leur adressa un regard glaçant et tous détournèrent la tête en moins d'une seconde. Elle adorait leur faire peur de la sorte, surtout lorsqu'ils se permettaient d'agir comme des lycéens en manque de potins. Même si en réalité, tous les chirurgiens étaient déjà passés par là. - Alors, comment tu vas ? Je crois que je ne t'ai pas vu depuis... Une semaine ? Et dire qu'on travaille au même endroit ! Lui dit-elle en levant les yeux en l'air.

Avec vos plateaux, vous avanciez en direction de la file qui menait au service. La nourriture n'était pas excellente mais vous aviez rarement faim. Le stress des opérations probablement. Mais taquiner Roma te redonnait toujours le sourire. - Tu me connais, je ne suis jamais contente, Tu lèves les yeux au ciel en l'entendant. D'aussi loin que tu te souviennes, ta petite soeur a toujours eue une petite moue boudeuse sur son visage. Cette même petite moue qui lui permettait d'obtenir tout ce qu'elle voulait auprès de ses professeurs, voir même de ses parents. Toi ? Non tu ne te laissais jamais avoir... Très bien peut-être une ou deux fois... Quarante ? - Je suis certaine qu'ils sont en train de nous insulter, là. Tu posas tes yeux sur les internes qui tournaient immédiatement la tête. Rien de très surprenant. Tu avais toujours trouvés que tous les internes étaient de gros trouillards et tu te demandais toujours comment ils arrivaient jusqu'au poste de titulaire. Tu replaças ton regard sur elle avant de lui répondre : « C'est certain Roma, mais en même temps il faut t'y faire tu es une Delacroix. » Après tout tu n'avais jamais été très appréciée non plus. Tu savais que les personnes talentueuses dans un hôpital avait une vie toujours un peu plus difficile. Tu commandas un steak frites et alla t'installer à une table avec ta petite soeur. - Alors, comment tu vas ? Je crois que je ne t'ai pas vu depuis... Une semaine ? Et dire qu'on travaille au même endroit ! « Au moins oui... Ton apprentissage se passe bien ? » demandes-tu innocemment tout en éludant sa question. Lui poser une question sur sa résidence alors que tu sais pertinemment qu'elle est en plastique te permet deux choses : mener l'enquête sur ce petit Aron et surtout ne pas répondre à sa question. Tu plantes ta fourchette dans une frite et la porte à ta bouche. Tu penseras aux kilos plus tard.