(M) JESSE WILLIAMS ✂ libre/ négociable

C'était le premier jour. L'excitation était palpable parmi les internes – l'avenir de la médecine de San Francisco. Ils se changaient dans le vestiaire commun, se congratulant tous d'avoir été accepté dans ce programme si sélecte.  Ils souriaient, étaient heureux, se taquinaient tous les uns les autres. Seule Roma se trouvait dans son coin, muette d'angoisse, même si elle ne le laissait pas paraître. En réalité, elle semblait calme – presque trop, cela en inquiétaient même certains mais qui se retenaient bien d'en faire le commentaire. Et puis, il y avait cet inconnu, ce mec que tout le monde regardait avec une certaine forme d'admiration, surtout les femmes. Il se tenait au milieu de tous, affirmant à qui voulait l'entendre qu'il serait le premier de leur promo à être choisi pour une opération. De sa bouche, cela n'avait pas l'air prétentieux. Il avait l'air gentil, d'ailleurs ses paroles furent suivies d'un rire qui fit sourire les autres. Roma, elle, lâcha un soupir moqueur, sarcastique, sans même s'en rendre compte. C'était un réflexe naturel qu'elle avait. Elle termina de s'habiller, puis se leva pour sortir du vestiaire. « Un problème ? » Demanda-t-il en fronçant les sourcils. Roma planta son regard dans le sien, puis elle le poussa légèrement d'un coup d'épaule pour se frayer un chemin, sans même lui répondre. Un peu plus tard dans la matinée, Roma se trouva assignée au même résident que lui. Il passa devant elle, lui balançant un : « Et ben, je sens qu'on va bien s'amuser. » Elle roula des yeux, mais ne répliqua toujours pas. Elle n'avait pas de temps à perdre avec lui, elle songeait bien trop à cette angoisse qui s'emparait petit à petit d'elle jusqu'à la tétaniser complètement. Mais elle devait faire face, lutter contre ce stress qui l'empêchait de penser correctement. C'était une élève brillante, elle connaissait tout par cœur, il était hors de question que les choses se déroulent mal pour elle. Leur résident posa une question. « Toi gueule d'ange, répond. » Lui demanda-t-elle. Les yeux étaient rivés sur lui, tous attendaient cette réponse avec impatience. Et malheureusement pour lui, elle fut erronée ce qui déclencha un autre riche sarcastique de la part de Roma. Le résidente la regarda en fronçant les sourcils. « A toi princesse, puisque tu trouves ça si drôle. Donne-nous la réponse. » Roma s'éclaircit la gorge, puis elle répondit en bafouillant. « Plus fort. » Elle répéta une seconde fois, à voix haute. « C'est bien. Mais la prochaine fois que je t'entends te moquer d'un de tes camarades, tu te taperas tout le sale boulot de TOUT LE MONDE. C'est clair ? » Roma hocha la tête en guise de réponse. La journée étaient à présent bien entamée et tous les internes semblaient courir à droite et à gauche, à la recherche de leurs résidents ou de choses à faire. Il passa devant Roma qui ne put s'empêcher de lui faire une remarque. « Tiens, voilà l'avenir de la médecine. Toujours convaincu que tu seras le premier à aller au bloc ? » Lui lança-t-elle, amusée. Il fronça les sourcils, agacé par cette jeune femme qu'il ne connaissait que depuis un jour. « Tu sais quoi ? Je te préférais silencieuse. T'avais pas l'air aussi bavarde devant la résidente, tout à l'heure. » Répondit-il sur le même ton. « J'avais pas tellement envie de me manger le sale boulot, je suis pas là pour ça. » Elle le regardait droit dans les yeux, ce qui avait tendance à le déconcerter, mais il ne montra pas un seul signe de faiblesse. « Et t'es là pour quoi alors ? » « L'argent. » Répondit-elle du tac au tac. Bien entendu, ce n'était pas vrai. Mais Roma préférait passer pour une garce avide de gloire et d'argent plutôt que par une fille et sœur de grands chirurgiens incapable de rivaliser avec le génie des autres membres de sa famille.

« Je ne sais vraiment pas comment vous faites pour la supporter. » Dit-il tout en avançant à côté de deux de ses collègues. Elles tournèrent la tête en sa direction, l'air intrigué. « Qui donc ? » Dit-elles en choeur. Il fronça légèrement les sourcils face à cette direction, puisque la réponse lui semblait tout simplement évidente. « Et ben, Roma ! » Répondit-il avec un petit rire amusé. Elles se regardèrent par la suite et comprirent. L'une d'elle prit la parole tandis qu'ils se frayaient un chemin jusqu'aux urgences. « Il faut juste apprendre à la connaître. Vraiment. » Assura-t-elle avec un petit sourire. Il ne semblait pas du tout convaincu. Pour lui, c'était tout bonnement impossible qu'elle soit autrement que ce qu'il avait toujours vu, c'est-à-dire, une garce sans cœur avide d'argent et de reconnaissance. Lui, il n'était pas comme cela. La médecine, il l'avait choisi par le cœur et non pour l'aspect financier. Il avait toujours rêvé de devenir médecin et de savoir qu'une femme aussi abjecte l'était également... Cela le mettait hors de lui. Il y pensait souvent, mine de rien, à Roma. Il en parlait souvent, aussi. Il se plaignait toujours de son comportement ou s'énervait tout seul en repensant à certaines de leurs conversations. Lui-même ne se rendait pas compte de l'importance qu'il lui apportait. « Mouais, j'y crois pas une seule seconde. Ca fait quand même trois ans qu'on se côtoie et je vois toujours la même pimbêche. » Dit-il tout en prenant un chemin différent. Il avait terminé sa garde et n'avait qu'une envie : Rentrer chez lui. Alors qu'il passait devant un placard, il entendit des bruits – Quelqu'un qui pleurait, sans doute. Il hésita un court instant, puis entra finalement dans la petite pièce. Il y trouva Roma, les yeux rouges et noyés de larmes. Elle se tourna aussitôt pour être dos à lui, ne souhaitant pas être vue dans cet état. « Qu'est-ce que tu veux ? » Lui murmura-t-elle. Il était déboussolé. La voir pleurer n'était pas du tout habituel, si bien qu'il en demeura bouche-bée. « Je... » Il ne savait pas quoi dire ou quoi faire. C'était comme faire la rencontre d'un animal sauvage, il devait l'apprivoiser, petit à petit. « Qu'est-ce qu'il se passe ? » Elle refusa de répondre, mais il approcha lentement, un pas après l'autre. Il ignorait pourquoi il faisait cela. Il aurait simplement dû sortir et poursuivre son chemin comme si de rien était, mais il en était tout simplement incapable. Sans rien dire, il l'attrapa par le bras pour la retourner et ainsi, l'attirer contre lui. Elle fut réticente au début, puis elle lâcha doucement prise. Après un long moment d'hésitation, elle finit par murmurer: « J'ai perdu un patient. » Roma le regardait toujours dans les yeux habituellement, mais pas cette fois-ci. Elle fuyait même son regard, mais il attrapa son menton entre ses doigts pour la forcer à croiser ses yeux. Elle semblait complètement différente. Il posa alors son menton contre le haut de sa tête, puis ils restèrent ainsi un long moment, incapables de se séparer l'un de l'autre.