no one lives forever ▬ (will)

Le bruit des balles, la poussière et le sable qui s’infiltraient dans le moindre recoins de son uniforme, sensation de brûlure sur sa peau cramée par le soleil irakien. Ce sang, précieux véhicule de vie qui lui tachait les mains tandis qu'il amputait la jambe de ce pauvre soldat dont les cris finiraient par le hanter jusqu'à la fin de sa vie. Les avions de chasses passaient par rafales au-dessus de sa tête tandis qu'il faisait le maximum pour ne pas perdre son patient dans l'intimité de cette tente miteuse. Son cœur battait à la chamade, la sueur se mêlant au sang, les cris aux larmes. Il n'avait ni anti-douleurs, ni de quoi désinfecter tandis qu'il se hâtait de panser la blessure du gamin à peine majeur envoyé au front. Le sergent pénétra alors dans la tente pour alerter Will d'une arrivée d'avions ennemis sur la zone, le tirant par le bras pour l'obliger à fuir tandis que le blessé perdait connaissance et entrait en défibrillation. Il était impossible pour William d'abandonner cet homme, de perdre une vie. Il lui faisait un massage cardiaque tout en ignorant les recommandations de son supérieur qui lui hurlait dessus, l'obligeant alors à sortir par la force tandis qu'une bombe s'écrasait sur la tente à seulement quelques mètres du chirurgien.

Il se réveilla en sursaut dans la salle de repos de l'hôpital, en sueur et le cœur battant. Hanté par la guerre, l'Irak et ces morts. Il reprenait sa respiration dans l'obscurité de la salle, se levant ensuite pour remettre sa blouse et se passer un peu d'eau sur le visage. Il retrouvait ensuite les couloirs blancs et animés de l'hôpital, où la vie et la mort se menaient un combat constant. Quand il ne travaillait pas, il essayait de récupérer, mais même ces rêves étaient entachés de cauchemars ... Un traumatisme qu'il gardait pour lui, n'étant pas du genre à faire étalage de sa vie avec les autres. Il avait pourtant été obligé de voir un psychologue après son expérience dans l'armée, il avait été déclaré apte à opérer et à reprendre son travail et cela faisait plus d'un an qu'il travaillait dans cet hôpital. Il n'avait pas seulement perdu des gens à la guerre, mais aussi sa femme qui n'avait pas supporté les absences répétées de son mari. Melissa reconstruisait sa vie de son côté tandis qu'il ne connaissait rien d'autre que le scalpel et les murs froids du Menphis Wave. Sans parler des regrets ... C'était l'heure des consultations, se rendant alors au chevet d'une petite fille qui avait été victime d'un accident de voiture quelques jours plutôt. Le sourire illuminant les traits abîmés de cette jolie poupée lui rappelait à chaque fois pourquoi il faisait ce métier. Un interne lui donna alors son dossier ainsi que ses derniers résultats, se posant sur une chaise à côté de la patiente qui serrait très fort contre elle un lapin en peluche. « Tu vas bientôt pouvoir rentrer à la maison princesse. » Un clin d’œil pour la fillette et un sourire pour la mère qui poussait un soupir de soulagement. Il vérifia minutieusement les constantes de sa patiente et se releva après l'avoir ausculté. « Le docteur Filmore va t'emmener faire quelques radios et je repasserai ce soir d'accord ? »  La petite hocha la tête tandis qu'elle tendait sa peluche au titulaire sous le regard amusé des autres adultes. Will se prêta alors au jeu et donna un gros bisou au lapin rose sous le regard reconnaissant de la mère inquiète. Son bipeur vibrait sans cesse, quittant ensuite la chambre pour se rendre au bloc.

Huit heures passées à tenter de retirer un énorme éclat de verre de l'abdomen d'un patient, il quittait le bloc fatigué, mais satisfait d'avoir sauvé une nouvelle vie ce soir en compagnie de ses collègues. Il se lavait les mains, le regard vide et pressé de retrouver son appartement. Il pensait alors à son père, celui qui avait transmit à ce grand gaillard la vocation de médecin. Il se rappelait très bien des avertissements et des inconvénients de ce métier — la solitude. Pourquoi il y avait autant de médecins à l'hôpital ? Tout simplement parce-que beaucoup n'avaient plus rien hormis le travail. Personne ne les attendaient à la maison hormis un animal de compagnie et un repas surgelé. Trois mois qu'il était divorcé et il n'arrivait toujours pas à prendre ses marques. Il avait fait le deuil de cette relation, totalement conscient d'être le fautif dans l'histoire. Malgré qu'il retrouvait un appartement vide après le travail, il savait pertinemment qu'il pouvait compter sur sa famille de cœur, le personnel hospitalier avec qui il passait la majorité de son temps. Une collègue donna alors un coup d'épaule à Will afin qu'il réagisse, perdu dans ses pensées. « Hey Captain ! On se rejoint au Blackbird ? » Will retrouva alors le regard fatigué de sa collègue, un sourire aux lèvres tandis qu'il hochait la tête. « Yep ! J'ai un petit truc à faire et je vous retrouve là-bas. » Il quitta alors le bloc, direction la chambre de sa petite patiente pour lui dire bonne nuit. Depuis son divorce, il s'était juré à lui-même de toujours honorer ses promesses à défaut d'avoir respecté certains de ses vœux avec Melissa. Des nouvelles résolutions, un nouveau départ.