(harrington) ∇ they kept you sleeping and even

✃ It's as if I could not breathe without you.
(01).Ne parle jamais de son père. La plupart des gens supposent qu'il est mort. En réalité, il est en vie. Dans un autre état. Leur relation est compliquée. Petite, c'était son héros. Elle n'avait que ce mot à la bouche: papa. (02). Véritable prodige de la musique, elle rêvait d'intégrer la Juillian School à New-York. Hélas les choses ne se sont pas passées comme prévues. C'est la réalité des temps modernes. (03). Le sommeil lui fait souvent défaut. Alors pour adoucir son esprit agité, elle joue de la guitare. Jusqu'à ne plus sentir ses doigts. (04). Son studio ressemble à un champ de bataille, c'est un vrai carnage entre les vêtements qui traînent par terre, les partitions qui recouvrent les murs, la vaisselle qui s'empile et la poussière qui stagne, Ça respire le bordel. (05). Croule littéralement sous les factures et envisage sérieusement de trouver un deuxième boulot. Les frais d'hospitalisation lui coûte une fortune car l'assurance n'en paie même pas la moitié. (06). La faute à cette mère absente qui réapparaît brutalement. Alycia refuse de l'abandonner, d'agir comme elle. Quitte à s'enfoncer dans la misère, le déni et l'espoir. L'espoir qu'elle se réveille, qu'elle lui revienne. (07). Ancienne fêtarde, cette époque lui manque. L'insouciance qu'on peut ressentir. L'ivresse qui coule à flot. L'atmosphère qui s'en dégage. (08) Les enfants ne lui résistent pas, ils finissent tous par la réclamer. Longtemps, elle bossait comme nounou pour se faire de l'argent. La compagnie des mômes lui plait, d'après Alycia, leur innocence est une thérapie du coeur. (09). Ne possède aucun diplôme, ayant quitté l'école avant d'en obtenir un seul. Elle n'est pas motivée pour y remédier et se débrouille avec les moyens du bord pour combler ses lacunes. C'est loin d'être facile, notamment dans le milieu du travail mais son expérience lui sauve la mise. (10). Aimerait adopter un animal si seulement elle avait du temps à lui consacrer. En attendant, elle s'occupe de sa plante verte, Lullaby, qui tire un peu la gueule.

✃  You are my paradise, but maybe I'm your hell

Une cigarette pour commencer la journée. Elle l'écrase contre le mur usé qui lui fait de la peine avant de rentrer dans le café bombé. Les clients défilent les uns après les autres, les commandes varient et les heures passent. Les sourires deviennent des soupirs quand elle doit courir pour attraper le bus. Quelques minutes de répit. Juste le temps de fermer les yeux. Elle descend au même arrêt qu'hier. Au même que demain. Puis elle cavale comme une dingue pour gagner du temps, ne pas en perdre. Arrivée à l'hôpital, elle trace sa route sans se soucier du monde qui grouille au milieu du hall d'entrée. Elle s'élance directement dans les escaliers et grimpe les marches deux par deux en vérifiant sa montre. Hors de question d'être en retard à son rendez-vous quotidien. D'autant que sa pause ne dure pas longtemps; chaque minute est précise. Elle s'arrête au troisième étage et d'un geste de la main, salue les infirmières qui reconnaissent sa tête blonde. Depuis le temps qu'elle les croise. Des jours, des semaines, des mois. C'est devenue une habitude. Elle finit par entrer dans la pièce, bercée par la douce lumière du soleil. « Bonjour maman. » Elle caresse sa main inerte, presque froide et s'installe à ses côtés. Elle commence à lui parler, de tout, de rien. De l'employé qui la forme au boulot. De la déviation de la ligne 13. Du meuble Ikea qui a encore pété. De la chanson d'Hozier qu'elle écoute en boucle. De la musique, toujours de la musique. Puis, le moment de partir arrive, comme une brise glaciale qui lui caresse l'échine. Alyca longe le couloir en passant devant la chambre du nouveau. Le p'tit dernier. L'ami. « Hé champion, à la prochaine ! » Elle s'adresse systématiquement à Isaiah, comme s'il pouvait l'entendre. Mais seul le silence répond. Ce silence profond qui respire au même rythme que les battements de son coeur. Et elle repart pour mieux s'épuiser au travail. Une cigarette pour terminer la journée. La fumée s'échappe de ses lèvres gercées par le froid. Elle rentre à pied, après avoir fait la fermeture. Les étoiles éclairent chacun de ses pas, l'accompagnent sur le chemin du retour. Elle aime marcher, l'air frais, la tranquillité qu'on lui accorde. Ses écouteurs retrouvent le creux de sa poche quand elle atteint son studio. La porte claque, il est tard, Alycia ne s'en rend même pas compte. Elle est épuisée mais le sommeil ne vient pas. Alors elle attrape sa guitare posée sur le canapé, à côté des factures qui s'empilent. Elle commence à gratter quelques notes avant de fredonner. Elle chante comme les sirènes pour attirer les marins. Elle chante comme un appel au secours. Son esprit s'envole ailleurs, elle entend à peine son voisin venir frapper. Inconsciemment, un sourire se dessine sur son visage. Le vieux est là. Et sans savoir pourquoi, ça la rassure.